Analyses
Publié le : 11/02/2020
La communication pour donner envie de politique
Nous partageons tous le même constat implacable: Les gouvernements qui se sont succédés à la tête Maroc depuis 1956 ne communiquent pas. Autrement dit, notre Etat, ce monstre froid, n’est pas conversationnel. Or aujourd’hui, il est plus que crucial de rompre avec cette méthode lénifiante et vaine de l’Etat quand ce dernier s’adresse aux Marocains.
Le scandale des déchets en provenance d’Italie, qui a ébranlé cette année l’opinion publique et la classe politique, ainsi que la séquence de communication de la ministre de l’Environnement qui l’a accompagné, en est l’illustration parfaite. Je n’évoquerai pas ici le modus operandi de la gestion de l’affaire « El Haite », pourtant considérée comme la ministre la plus active du premier gouvernement de Benkirane. Je veux porter le débat autour d’un sujet plus complexe: l’importance de la communication pour nos institutions. Cette pratique est indispensable pour que le décideur public donne du poids à ses choix et pour que le citoyen comprenne tous les enjeux de la décision publique.
Au Maroc comme ailleurs, l’élite politique sera de plus en plus amenée à s’expliquer, détailler et être en conversation permanente avec l’opinion publique. Elle doit surtout davantage communiquer, et communiquer juste face à des citoyens-experts.
La communication n’est pas un tout, évidemment, mais elle sert assurément l’action pour susciter l’adhésion des gens. Les politiques doivent savoir la manier pour renforcer leurs actions publiques. Car, in fine, l’enjeu crucial est toujours celui de l’image. L’image cristallise à la fois la confiance et la fierté nationale.
Vers la création d’une direction de communication du gouvernement
Je plaide donc pour une prise de conscience urgente de l’importance d’une communication politique créatrice de valeur. Et c’est à nous, « communicants » marocains, de pousser vers cette démarche. Travaillons avec responsabilité. C’est-à-dire? Nous devons être des pédagogues en permanence. La pédagogie n’est pas la propagande, et la communication politique c’est surtout et avant tout de la pédagogie. Elle est là pour informer, pour permettre de transmettre des messages, pour aider à prioriser, pour expliquer et justifier les décisions. Elle est nécessaire pour la démocratie parce qu’elle doit être authentique et vraie.
Pour définir cette pédagogie que j’appelle de mes vœux, le communicant doit être intégré au cœur du point névralgique du pouvoir: le processus de décision au sein des ministères et des institutions. Comment ? En créant une direction de communication publique qui dépend directement du Chef de gouvernement. Cette nouvelle institution orchestrera et surtout professionnalisera la parole publique. Le communicant public travaillera ainsi en pleine confiance et sur le même piédestal que le directeur de cabinet, il assistera aux définitions des projets structurants, aux réunions de crise dans les « war room » etc. et coordonnera la communication de tous les autres ministères.
Cette proximité installera une cohérence de ton et facilitera la pédagogie. Les électeurs auront alors en face d’eux des dirigeants crédibles, véritablement soucieux de leur rendre des comptes, de les associer aux choix comme aux renoncements.
Accomplissons notre révolution intellectuelle et rattrapons nous avec la régionalisation
En janvier 2015, le découpage territorial du ministère de l’Intérieur incarne à lui seul la marginalisation du métier de communicant. Ce faisant, c’est le citoyen qui a été mis à l’écart de l’une des plus importantes décisions publiques après la réforme constitutionnelle de 2011.
Si la région Rif-Oriental pour ne citer qu’elle, a changé de nom, aucun de ses administrés n’a été associé à cette décision. Pis, quand le gouvernement examinait le nouveau découpage territorial, l’écrasante majorité des Marocains ne se sentaient pas concernés. Il s’agit là d’une opportunité unique pour renouveler l’engagement chez les Marocains en les associant par exemple à la définition d’un nom fédérateur, mobilisateur et aspirationnel pour se projeter dans un destin commun.
La « Direction de Communication Publique » aura comme premier chantier la définition de nouveaux noms de régions. Si la régionalisation avancée permet des choses étonnantes, comme le renforcement des institutions locales, une large autonomie financière et de décision, est-ce que l’administré de Taza ou de Ben Guerir est suffisamment informé pour connaître le champ d’action de sa région ?
Co-créer de nouveau noms de régions avec les administrés, c’est le moment pour les président de régions nouvellement élus, d’incarner leur territoire, d’être plus proche de leurs électeurs, de les impliquer dans les plans de développement régionaux, de leur donner envie de créer de la richesse localement, de renouveler leur espoir. De nouveaux noms pour nos régions, c’est porter la nouvelle expérience que vie notre jeune démocratie, et dépoussiérer la politique marocaine.
Un seul but : aider le marocain à réinvestir la politique
J’insiste enfin sur le rôle central de la communication dans la vie démocratique d’un pays. L’opinion publique ne peux affronter seule un espace symbolique (le monde politique), constitué d’un grand nombre de partis politiques, d’un flot d’informations brute, d’une frénésie de médias en ligne, et d’idéologies. Quant aux hommes politiques, à l’ère de la digitalisation, ils doivent être les interlocuteurs des citoyens, pour un meilleur engagement du public marocain.
Article publié le 23 décembre 2016 sur le Huffington Post Maghreb, par Hamza HRAOUI