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Publié le : 13/10/2020

Aurélien Lechevallier : Nous avons mis en place un nouveau logiciel diplomatique.

Aurélien Lechevallier fait partie des principaux architectes de la nouvelle doctrine diplomatique française. En 2017, il fut le premier conseiller diplomatique adjoint d’Emmanuel Macron à l’Elysée. En charge de plusieurs grands dossiers diplomatiques : Libye, crise du Golfe, et l’Afrique. Il avait donné le ton en accordant sa première prise de parole à un média marocain, en parlant de la centralité du continent africain dans la vision du nouveau Président. Avant cette expérience au sommet de l’Etat, Aurélien Lechevallier, était en poste au Liban de 2010 à 2013 après avoir servi à Washington entre 2004 et 2008, dont un an au sein du Département d’Etat américain. Il a enseigné les questions européennes à l’Institut d’études politiques de Paris, et il est également l’auteur de gérer la mondialisation? L’aide publique au développement, Ellipses, 2007 et L’Europe en question(s), Ellipses en 2008. Depuis Pretoria où il a été nommé ambassadeur en aout 2019, il s’est confié à Hamza Hraoui, pour nous parler de la nouvelle relation avec le continent.

Hamza HRAOUI : Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron, la diplomatie française s’est rapprochée de l’Afrique anglophone. Comment définirez-vous cet activisme diplomatique ?

Aurélien Lechevallier : La France a des liens historiques, culturels et économiques avec l’ensemble du continent africain. Depuis 2017, c’est vrai, le président de la République a donné une nouvelle dimension à cette vision continentale de notre politique étrangère, du Maghreb jusqu’à l’Afrique du Sud. Il a lui-même effectué des déplacements inédits au Nigeria, au Ghana, en Ethiopie, au Kenya. Il se rendra prochainement en Afrique du Sud et en Angola. De nombreux événements en France ont mis en valeur, en parallèle, cette approche nouvelle, et cela continuera dans les prochains mois avec la saison culturelle Africa 2020 ou le sommet sur les investissements en Afrique au printemps 2021. Le regard de la France embrasse aujourd’hui tout le continent. Il couvre tous les pays et s’enrichit de nouveaux partenaires, en particulier parmi la jeunesse et la société civile. L’objectif est d’arrimer véritablement l’Europe et l’Afrique, pour faire face à tous les grands défis de notre temps.

Hamza Hraoui : Votre nomination à Pretoria a été vue comme un signal fort envoyé à l’Afrique du Sud, compte-tenu de votre fonction antérieure (Conseiller Diplomatique à l’Élysée), quel premier bilan tirez-vous de votre expérience en tant qu’ambassadeur de France en Afrique du Sud, et comment la diplomatie française s’adapte-t-elle à ce contexte sanitaire si particulier ? 

Aurélien Lechevallier : C’est un grand honneur de servir mon pays en Afrique du Sud, une démocratie dynamique née d’un mouvement de libération et d’une réconciliation historique, qui reste en exemple pour le monde entier. Nous partageons avec les Sud-Africains de nombreuses valeurs et nous avons besoin d’un partenariat fort pour réinventer un ordre mondial plus efficace et plus juste. Nous poursuivons les mêmes objectifs : la lutte contre les inégalités, la promotion des femmes dans la société, la diversité culturelle, le développement durable, le défi climatique, la protection de la biodiversité et des océans. Cette première année m’a conforté dans l’idée que nos deux pays et nos deux nations ont beaucoup de combats à livrer ensemble. Nous avançons à travers des projets concrets, inclusifs, en gardant à l’esprit cette vision géopolitique qui consiste à rapprocher davantage l’Afrique et l’Europe.

 »La France a des liens historiques, culturels et économiques avec l’ensemble du continent africain. »

Aurélien Lechevallier

Hamza Hraoui : Plus spécifiquement en Afrique, quels sont actuellement les grands axes de travail de la diplomatie Française ? Quel soutien concret apportez-vous au développement des entreprises françaises en Afrique australe ? 

Aurélien Lechevallier :La sécurité et la stabilité constituent un axe fort, sur lequel nous travaillons étroitement avec l’Afrique du Sud, qui siège en 2020 au Conseil de sécurité et préside l’Union africaine. Cela concerne notamment le Sahel, la Libye, le Soudan ou le Mozambique. Les enjeux de développement sont considérables, en particulier à travers la santé et l’éducation. La France est l’un des premiers contributeurs à la lutte contre le VIH/SIDA en Afrique et le président français s’est personnellement investi pour renforcer les moyens du Fonds mondial contre les pandémies et pour déclencher, à partir de mars 2020 avec nos partenaires africains, une réponse internationale forte contre le coronavirus sur le continent. Il faut souligner aussi notre action dans les domaines culturels, audiovisuels, scientifiques et de recherche, avec les artistes, les universitaires, les associations en Afrique. C’est une priorité de notre politique étrangère, mise en œuvre avec toutes les composantes des sociétés africaines et avec les diasporas. Ce travail de terrain est notre marque de fabrique ! Et bien sûr, la diplomatie économique est essentielle, pour accompagner nos entreprises et les projets d’investissement et de créations d’emplois, en Afrique comme en Europe. La concurrence internationale est forte mais nos liens commerciaux ont un immense potentiel de croissance.

 »Le discours de Ouagadougou de 2017 reste notre boussole »

Aurélien Lechevallier
Aurélien Lechevallier à bord de l’avion présidentiel, pour participer à l’assemblée générale de l’ONU.

Hamza Hraoui : Nous arrivons dans la dernière année du mandat d’Emmanuel Macron, que retiendrez-vous de la « nouvelle relation avec le continent » qu’il avait esquissée lors du discours de Ouagadougou ? Quelles doivent être les grandes priorités pour un éventuel deuxième mandat du Président ? 

Aurélien Lechevallier : Cette « nouvelle relation » procède d’un engagement personnel très fort d’Emmanuel Macron à l’égard de l’ensemble du continent africain. Il l’a montré dès les premiers mois de sa présidence avec ses voyages officiels au Maroc, au Mali, au Sénégal ou en Algérie. Cet engagement africain est aussi le fruit d’une réflexion profonde et d’une ambition partagée par de nombreux Africains et de nombreux Français : nos pays, nos nations sont liés par une communauté de destin. L’appel lancé à Ouagadougou par le Président de la République en octobre 2017 devant la jeunesse africaine reste notre boussole : regarder ensemble notre histoire commune, promouvoir les valeurs de liberté, de fraternité et de solidarité, relever ensemble les défis d’aujourd’hui et de demain. Ce ne sont pas de simples mots, ce sont des actions menées au quotidien. Nous avons mis en place un nouveau logiciel diplomatique : les services de la France, l’agence française de développement, Business France, toutes nos équipes ont étendu le nombre de nos partenaires : le travail avec le secteur privé, les fondations, les start-ups, les centres de recherche, le monde associatif est devenu la norme. Quant à l’éventuel « deuxième mandat », je sens la question piège (rires) !

Hamza Hraoui : Enfin, une dernière question Aurélien : Paris vous manque ?

Aurélien Lechevallier : Parfois, oui, ainsi que ma région d’origine car j’ai grandi à la campagne dans le centre de la France ! Mais l’Afrique du Sud me passionne. Je suis totalement plongé dans la découverte de ce pays fascinant, si divers, et dans la conduite de nos projets de coopération, avec toute l’équipe. Mettre en musique notre politique africaine sur le terrain, faire vivre chaque jour nos liens d’amitié, c’est une mission exaltante !

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