
Analyses
Publié le : 11/04/2025
Avec Vladimir Poutine comme avec Donald Trump, il faudra renouer le fil du dialogue quel que soit le niveau de conflictualité
À l’heure où les tensions internationales s’intensifient et redessinent les équilibres géopolitiques, la Newsroom reçoit Didier Le Bret, diplomate et directeur de l’Académie diplomatique et consulaire du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Fort d’une carrière marquée par des postes clés au Quai d’Orsay, à l’Élysée et en ambassades, Didier Le Bret a accepté de nous partager son analyse des mutations de l’action diplomatique, de la reconfiguration des rapports de force mondiaux et de l’inflexion stratégique des États-Unis de Donald Trump à l’occasion d’un entretien réalisé le 12 mars 2025.
Le métier de diplomate met à l’œuvre la recherche du compromis entre différents intérêts. Le nouvel ordre mondial – caractérisé notamment par une fragmentation géopolitique, la montée du nationalisme, l’autoritarisme et la chute de plusieurs alliances – semble incompatible avec les efforts du diplomate. Comment voyez-vous aujourd’hui le rôle du diplomate dans ce rapport de force permanent ?
Aujourd’hui, même si l’heure n’est pas à la coopération et à la solidarité, certains sujets demeurent, au-delà de la conflictualité politique : le réchauffement climatique, l’effondrement du commerce international, les crises sanitaires, les questions démographiques… Le développement anarchique des grandes villes, dans de nombreuses géographies du Sud, peut devenir un sujet majeur de géopolitique, car il présente un risque de conflits et de grands déséquilibres intrarégionaux. On pourrait imaginer que chaque pays développe ses propres solutions dans son pays et que la somme des solutions générerait un bien-être collectif à l’échelle de la planète, mais malheureusement, ce n’est pas le cas. Ces questions demeurent pendantes.
Pendant ce temps, nous tentons de résoudre des conflits politiques majeurs, comme la guerre israélo-palestinienne, le conflit en Ukraine et les tensions croissantes dans l’Indo-Pacifique. Le danger réside dans la tentation de se concentrer uniquement sur les conflits interétatiques, en considérant les autres enjeux comme secondaires. À mon sens, c’est une erreur de combat. Paradoxalement, ces conflits actuels entravent l’action de solidarité internationale, pourtant essentielle.

Donald Trump présentant les nouveaux tarifs douaniers depuis la Maison-Blanche à Washington le 1er avril © Crédit photo : BRENDAN SMIALOWSKI / AFP
Autrefois, un consensus régnait au sein du monde occidental, un accord tacite qui reconnaissait l’urgence de cette question, la qualifiant de priorité impérative, constante, et nécessitant une attention véritablement sérieuse. Aujourd’hui, les nations semblent égarées, divisées dans une approche unilatérale, sans coopération véritable, en particulier de la part de l’administration Trump. Parallèlement, les pays du Sud global sont pleinement conscients des défis à venir, notamment les conséquences dramatiques du réchauffement climatique et des crises pandémiques imminentes. Cependant, ces nations hésitent à choisir entre leur développement et la nécessaire transition vers une économie décarbonée. Dans ce contexte, la France se distingue par sa position particulière : aux côtés de ses partenaires européens, elle fait partie des rares pays à avoir saisi l’enjeu crucial pour les nations émergentes ou en développement, un enjeu qu’il est impératif d’affronter sans délai.
Dans le conflit qui oppose l’Ukraine et la Russie, le président réélu Donald Trump sème le trouble au sein de l’alliance transatlantique. Le Président Emmanuel Macron, par sa relation dite « spéciale » avec Trump – qu’il considère comme un atout diplomatique – entend le convaincre de rester du côté de l’Ukraine et de ses alliés. Il souhaite montrer à l’opinion publique que la France pèse encore sur l’échiquier international. Dans ce cas précis, comment le Quai d’Orsay est-il complémentaire avec l’action présidentielle ? Comment les diplomates du Quai peuvent-ils implémenter la vision du Président ?
Dans les périodes où les équilibres de pouvoir deviennent aussi complexes qu’empreints d’adversité, la crédibilité n’est plus une option : elle s’impose comme une exigence. On la puise d’abord dans la force — notamment militaire — face à la Russie. Il est en effet indispensable de rappeler qu’aucune puissance, fût-elle membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et détentrice de l’arme nucléaire, ne peut s’arroger le droit de redessiner à sa guise la carte de l’Europe ou de piétiner les frontières reconnues par la communauté internationale, sans en payer le prix. Être crédible, ce n’est pas simplement briller dans l’art de la négociation : c’est d’abord démontrer, par un rapport de force tangible, que certaines lignes ne sauraient être franchies.
De manière parallèle, face aux États-Unis, la relation repose elle aussi sur un rapport de force, certes d’une nature différente — politique, davantage que militaire pour l’heure — mais non moins nécessaire.
Nous nous tenons aujourd’hui à la confluence de deux dynamiques majeures. D’une part, un mouvement de réarmement visant à restaurer une forme d’autonomie stratégique, à la fois militaire et industrielle. D’autre part, un effort diplomatique mené en étroite synergie avec les forces armées, dont la légitimité et la puissance constituent un socle fondamental pour toute négociation. Sans une dissuasion crédible et sans une unité politique européenne face à Vladimir Poutine, toute tentative de dialogue est condamnée à l’échec.
Car face à des figures comme Poutine ou Trump, il faudra tôt ou tard renouer le fil du dialogue — sinon de l’entente — quel que soit le niveau de conflictualité. Avec la Russie, cela impliquera une refonte de notre architecture de sécurité collective, dans laquelle Moscou devra trouver une place — non en dépit, mais en raison même de sa puissance. S’agissant des États-Unis, le retour à la table des discussions semble inéluctable : Donald Trump, après tout, ne sera pas éternellement Président.

J.D. Vance rencontre Ursula von der Leyen lors d’une réunion bilatérale en marge du sommet d’action sur l’intelligence artificielle à Paris, le mardi 11 février 2025. @AP Photo/Thomas Padilla
La négociation diplomatique, loin de se limiter à l’« instant critique du bras de fer », s’étend également à notre capacité à préparer l’avenir. Que signifierait la création d’une architecture de sécurité collective en Europe qui intègre la Russie ? Bien qu’il soit prématuré d’y réfléchir de manière concrète, nous ne pourrons pourtant échapper à cette réflexion. Lorsque l’idée de la réunification de l’Allemagne, rétablissant son espace historique à l’Est du continent, a été acceptée, cela s’est réalisé en échange de l’ancrage de l’Allemagne dans une union économique et monétaire solide. L’objectif sous-jacent était de maintenir l’Allemagne dans le giron européen, tout en évitant qu’elle ne bascule dans une dynamique de Prusse orientale, reconstituant ainsi son Hinterland. Cela souligne que les enjeux de sécurité collective ne se réduisent pas à des questions militaires, mais sont intrinsèquement liés à une multitude de paramètres : la circulation des biens, des marchandises, des populations et des flux financiers. En définitive, il nous faut négocier, avec discernement et vision.
Nous vivons aujourd’hui dans un monde permanent de crises, sanitaires, géopolitiques et/ou climatiques. Comment un diplomate définit-il la notion de crise ?
Le mot et la notion de crise apparaissent au moment où deviennent visibles les symptômes même de la crise. Autrement dit, d’un état stable, tout d’un coup, on constate un changement soudain. La crise est le moment où la rivière sort de son lit. Elle peut être anticipée : s’il y a eu une semaine de forte pluie, il risque d’y avoir une crue. Une crise peut aussi ne pas être anticipée, quand des paramètres nouveaux créent des boucles entropiques : ces dernières s’ajoutent et se cumulent, provoquant des résultats imprévisibles.
La crise ne saurait être considérée comme un état figé ; elle est, par essence, un moment charnière, une transition qui fait vaciller un ordre établi pour en faire émerger un nouveau. En langue chinoise, un même idéogramme sert à désigner à la fois la « crise » et « l’opportunité », comme pour signifier que toute déstabilisation recèle en elle-même une promesse de renouveau. Loin d’être perçue comme un mal en soi, la crise y est envisagée comme un espace de réinvention. En grec ancien, le verbe krinein signifie « juger », « discerner », « choisir » : la crise est donc ce moment critique où, à partir de signes épars, il faut trancher, décider. Elle est double par nature : elle exige d’une part une analyse rigoureuse, d’autre part une capacité à transformer ce savoir en action. C’est là, d’ailleurs, une compétence fondamentale du diplomate — faire du déséquilibre un outil de compréhension et d’orientation.
Ainsi, la crise n’est pas simplement porteuse de désordre : elle est aussi vectrice de transformation. À l’image de la vaccination ou de la pasteurisation — qui inoculent une infime part du mal pour renforcer l’organisme — la crise peut être perçue comme un processus de purification, un moment de tension salutaire, nécessaire à la résilience et à l’évolution.
Ainsi, lors de la crise sanitaire de la Covid-19, l’idée d’une autosuffisance en masques ou en vaccins semblait superflue. La chaîne d’approvisionnement mondiale, notamment depuis la Chine, suffisait à nos besoins à moindre coût. Mais cette logique strictement marchande s’est effondrée face à l’urgence : le profit immédiat s’est révélé un piège coûteux, socialement et humainement. La crise, en cela, fut une leçon. Elle enseigne, transforme, et nous engage à ne plus commettre les mêmes erreurs.
Par contraste, certains dirigeants illibéraux — Trump, Bolsonaro, Poutine — ont affiché une gestion calamiteuse de la pandémie, allant jusqu’à promouvoir des vaccins inefficaces. Incapables de faire face aux crises qu’ils ne maîtrisent pas, ils se montrent bien plus aptes à gérer celles qu’ils provoquent eux-mêmes. Ainsi, quand Poutine déclenche une guerre, son régime autoritaire lui permet de tenir. Mais face au réel, brut et imprévisible, leur pouvoir vacille.

Demonstrators gather in front of the Colorado State Capitol building to protest coronavirus stay-at-home orders during a « ReOpen Colorado » rally in Denver, Colorado, on April 19, 2020. – Hundreds protested on April 18 in cities across America against coronavirus-related lockdowns — with encouragement from President Donald Trump — as resentment grows against the crippling economic cost of confinement. (Photo by Jason Connolly / AFP)
La crise fait partie des réalités auxquelles il faut se préparer, mais il est souvent difficile de prendre en compte tous les paramètres, comme les effets boomerang et secondaires qu’on ne peut mesurer. Par exemple, le GIEC a souvent sous-estimé les conséquences cumulées du réchauffement climatique, car ces effets ne s’additionnent pas de manière linéaire. Le rapport Meadows du Club de Rome, qui avait prévu le réchauffement climatique, s’est en revanche trompé sur la temporalité du « pic pétrolier », estimant qu’il se produirait au début des années 2000, alors que ce phénomène est survenu plus tard, grâce à des progrès technologiques. Cette erreur a discrédité la prévision scientifique et alimenté le mythe d’une technoscience toute-puissante, selon lequel « il n’y a pas de problème, il n’y a que des solutions ». On pensait pouvoir repousser les limites des ressources naturelles avec plus de moyens. Ainsi, les États-Unis sont passés de dépendants des pays du Golfe à leaders extracteurs et exportateurs de ressources.
Cela a nourri l’idée que la science résoudra tout. Cependant, la génération actuelle d’ingénieurs remet en question cette vision et l’idée d’une croissance infinie. Le travail à faire va au-delà de la diplomatie et nécessite une pédagogie à grande échelle pour expliquer que la plupart des ressources que nous utilisons quotidiennement ne sont pas nécessaires. Je souhaite beaucoup de courage aux responsables politiques face à ce défi.
Le diplomate identifie les causes, tire des enseignements. Dans son métier, le diplomate est-il résilient ?
Le diplomate doit être résilient et patient, acceptant que la négociation soit un processus évolutif. Ce qui semble inacceptable au début peut le devenir à la fin, une fois les positions clarifiées. L’objectif n’est pas toujours de chercher immédiatement un compromis, mais aussi de poser des limites claires et justifiées. Parfois, le timing n’est pas favorable pour négocier, et il est préférable de suspendre la discussion pour revenir plus tard. La négociation implique aussi une bonne gestion du temps et une compréhension mutuelle des vrais ressorts.
L’humiliation publique infligée par Donald Trump et son vice-président J.D. Vance à Volodymyr Zelensky illustre un oubli crucial de la part de Trump : le sacrifice de vies humaines renforce la cohésion nationale et rend la capitulation inacceptable, car elle signifierait que les soldats sont morts pour rien. Les diplomates ne prennent pas toujours en compte cet aspect. De plus, la défiance de Trump envers Zelensky semble plus personnelle que géopolitique, notamment après que ce dernier ait refusé de répondre favorablement aux attentes de Trump concernant une enquête sur le fils de Joe Biden, ainsi qu’à ses tentatives d’obtenir des victoires rapides. Ce refus a peut-être alimenté un ressentiment chez Trump, dont la politique est marquée par l’ego et une loyauté inconditionnelle. Trump est souvent vu comme un « magicien du deal », mais il adopte une approche instinctive, cherchant à maximiser son avantage sans tenir compte de la complexité des enjeux. Ses solutions simplistes, bien que séduisantes, négligent souvent la réalité du monde moderne. Cela montre que l’élite politique américaine peut être limitée dans sa compréhension des enjeux contemporains complexes. Cela implique, pour nous, d’ajuster nos arguments et nos approches dans les négociations. En effet, lorsqu’un interlocuteur adopte une posture rigide et conflictuelle, il est essentiel de poser des limites claires, sans complaisance. L’objectif n’est pas d’entrer dans une confrontation stérile, mais d’affirmer fermement ses positions.

À la Maison-Blanche, dans le Bureau ovale, vendredi 28 mars, les présidents Volodymyr Zelensky, Donald Trump et le vice-président J. D. Vance. MAXPPP / © Jim Loscalzo / UPI
Les économies américaine et européenne sont fortement interdépendantes. L’Europe, avec ses 450 millions de consommateurs, constitue un marché crucial et une source de données précieuses pour les GAFA et autres acteurs de la big tech américaines. De leur côté, les États-Unis font face à un marché chinois volatile, ce qui rend l’Europe d’autant plus importante. Toutefois, l’approche de Donald Trump semble plus axée sur des règlements de comptes que sur un véritable leadership.
Lors de l’inauguration de la Cathédrale Notre-Dame de Paris, Elon Musk était l’invité surprise. Alors que la position d’Elon Musk brouille les pistes entre business et diplomatie, il apparaît que de nouvelles formes de diplomatie, à l’instar de diplomatie numérique et privée ou encore la para-diplomatie, gagnent de l’ampleur sur la scène internationale, impactant de fait les métiers de la diplomatie. Quelle est la frontière entre les géants de la big tech et la diplomatie souveraine, en termes de prérogatives ?
L’hyper-présidentialisation et la réduction de l’espace du débat politique sont des phénomènes qui rappellent ceux observés dans des régimes autoritaires ou totalitaires. Un aspect clé de cette évolution est le contrôle des outils de propagande, utilisés par des figures comme Mussolini et Hitler avec des moyens tels que le cinéma, les défilés, et les journaux. Aujourd’hui, ces dynamiques se sont mondialisées grâce aux réseaux sociaux, qui créent des communautés fermées, exacerbant les divisions. Les réseaux sociaux alimentent une boucle de rétroaction où l’on est coupé des opinions opposées, rendant impossible tout partage d’idées. Trump incarne une forme de pensée orwellienne, où la vérité devient alternative et les repères communs sont brouillés, créant ainsi une instabilité qui empêche le débat au profit du combat, une caractéristique des régimes totalitaires. L’Amérique semble à l’aube d’une telle évolution, et la question se pose : la bascule vers un nouveau régime est-elle possible ? Un tel changement serait inédit et mettrait à l’épreuve les contre-pouvoirs. Aujourd’hui, le système est déjà soumis à une pression croissante, avec un coup d’État politique qui banalise l’extrême droite et le nationalisme. La politique migratoire sous Trump illustre cette dynamique, notamment avec l’envoi de migrants vers des villes démocrates pour souligner les tensions internes. Ces divisions posent la question de l’unité du pays, certains envisageant même des scénarios de sécession, notamment pour la Californie, en raison de son poids économique et de ses divergences avec d’autres régions comme la Bible Belt ou la Rust Belt.

Un supporter de Donald Trump fait flotter un drapeau américain à l’effigie du président élu près de la résidence du milliardaire à Mar-a-Lago, le 13 novembre 2024 à Palm Beach, en Floride. © Joe Raedel, Getty Images / AFP
Aujourd’hui, un Américain sur trois croit que la Terre est plate, remettant en question des principes scientifiques établis. Pourtant, il est possible d’avoir la foi tout en reconnaissant la valeur de la science. Ce phénomène traduit une rupture épistémologique et une régression, symptomatique d’une Amérique en déclin. C’est aussi l’opportunité pour l’« idiot utile » d’exploiter cette crise, porté par une idéologie libertaire des big tech. Ces entreprises prônent une vision méritocratique : être au sommet, c’est prouver qu’on est les meilleurs et qu’on doit prendre le pouvoir. Ce principe ressemble à l’ancienne définition de l’aristocratie, où les nobles étaient considérés comme les meilleurs en raison de leur ascendance. Aujourd’hui, des figures comme Trump se voient comme des élus divinement protégés, comme lors de sa tentative d’assassinat en 2024. Les États-Unis, nation messianique, associent réussite et élection divine. Cette logique explique leur rejet de l’État européen et de la régulation. Dans cette optique, les dépenses publiques ont été confiées à Elon Musk, qui prône un futur où les robots remplacent les humains et où seuls les « génies » devront obéir.
En 2017, vous publiez L’homme au défi des crises, pourquoi le pire n’est jamais certain aux éditions Robert Laffont. Face à une IA de plus en plus préoccupante, les impératifs du changement climatique, l’affirmation exacerbée des nationalismes… vous semblez adopter une attitude « optimiste » vis-à-vis des crises. « Le pire n’est jamais certain », pourquoi ?
En 2017, j’ai écrit cet ouvrage pour mes enfants, face à une génération trop focalisée sur le négatif. Mon but était de rappeler que, malgré les difficultés actuelles, des progrès significatifs ont été réalisés. Depuis 1990, un milliard de personnes ont quitté la pauvreté, l’éducation s’est massifiée dans des régions reculées, et des pays comme le Maroc sont devenus des puissances régionales. L’effort collectif a permis d’atteindre des objectifs comme l’égalité hommes-femmes et la lutte contre le SIDA, avec un accès élargi aux traitements dans des pays comme l’Afrique du Sud. L’OMC a assuré le respect des règles économiques et la Cours pénale internationale bénéficiait encore d’une large reconnaissance du droit.

De gauche à droite : les Présidents brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, chinois Xi Jinping, sud-africain Cyril Ramaphosa, le Premier ministre indien Narendra Modi et le ministre russe des Affaires étrangères Sergeï Lavrov, mercredi 24 août 2023 à Johannesburg. @Gianluidi Guercia/Pool via Reuters
Cependant, depuis 2008, la crise financière a fragilisé le système, et la mondialisation s’est heurtée à des défis structurels. L’Amérique entre dans une période de turbulences prolongées, et l’Union européenne doit se renforcer militairement et politiquement. L’UE dispose de marges financières importantes et doit privilégier le dialogue avec des pays émergents comme l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud. Depuis 2017, la situation s’est accélérée, et aujourd’hui, il semble que nous ne pourrons rebondir sans passer par une crise majeure. Les signes inquiétants, tels que les discours impériaux des États-Unis, la remise en question du droit international et les réarmements mondiaux, montrent des tensions croissantes.
L’Histoire n’est pas linéaire, mais les tensions s’accumulent, comme le montre la guerre en Ukraine. La guerre ne résout rien, elle aggrave les problèmes et crée de nouvelles zones de conflit. L’Europe, consciente du prix de la conflictualité, dispose d’une fenêtre stratégique entre les élections en France et la crise politique imminente en Allemagne. Nous avons deux à trois ans pour réinventer l’Europe, sinon nous risquons de manquer cette occasion et de devoir faire face à de graves inquiétudes.