Analyses

Publié le : 12/01/2021

Wilfrid Lauriano : Nous soutenons avec fierté et conviction IAM Africa.

Franco-Béninois, président du conseil de surveillance du cabinet de conseil KPMG, Wilfrid Lauriano do Rego a été nommé à la tête du Conseil Présidentiel pour l’Afrique en 2019. Sa mission ? Traduire le discours fondateur de la politique africaine de Paris, initiée en 2017 depuis Ouagadougou. Sur le plan de la géopolitique agricole, il a positionné le CPA aux côtés de centaines d’entreprises privés et d’organisations publiques autour d’I AM Africa. Une coalition lancée en marge du dernier One Planet Summit en présence d’Emmanuel Macron, du Président de Mauritanie et du Prince de Galles. Il revient en exclusivité pour la Newsroom sur les enjeux de cette initiative multilatérale.

Vous avez été l’un des principaux partenaires d’IAM Africa, une coalition internationale d’acteurs agricoles. Pouvez-vous nous présenter cette initiative et nous dire pourquoi le CPA a été fortement impliqué dans ce projet porté par le secteur privé ?

La coalition IAM Africa (International Agroecological Movement for Africa) rassemble plus de 100 entreprises, organisations patronales et institutions africaines et européennes issues des secteurs de l’agriculture et de l’élevage en France, en Afrique et dans le monde. Ces dernières ont en commun d’être signataires d’une charte en faveur du développement des filières agro-pastorales en Afrique, et notamment au Sahel. Par ce biais, l’initiative participe à la promotion d’une stratégie combinant développement social, environnemental et économique au service de la prospérité des espaces concernés, mais aussi de la préservation de leurs biodiversités, et plus globalement de la stabilité du continent africain. Dans la droite ligne de son investissement en faveur de la structuration des chaines de valeurs agricoles du Sahel, le Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA) s’est engagé aux côtés de l’initiative IAM. En effet, depuis 2018, nous avons réalisé plusieurs missions consistant à aller à la rencontre des acteurs de terrain, afin de travailler sur des solutions concrètes à fort impact sur la nutrition, la création d’emplois décents, ainsi que l’inclusion des populations vulnérables.  Pour toutes ces raisons, nous soutenons avec fierté et conviction ce projet, qui constitue une nouvelle voie à travers laquelle s’engagent des entreprises françaises, africaines et internationales prêtes à investir dans des filières agro-écologiques d’avenir.

Logo officiel de IAM Africa

On le sait, l’agriculture est un levier d’avenir pour le développement du continent africain. Comment le CPA, à travers son mandat ‘’de porteurs d’idées’’, pourra impulser une dynamique de coopération agricole renforcée avec le continent ?

La récente crise sanitaire a révélé les capacités de résilience de l’agriculture africaine. Face à la fermeture des frontières, à la baisse du pouvoir d’achat dans les zones urbaines et aux fortes perturbations sur le marché international des matières premières, la demande accrue en produits alimentaires a constitué une formidable incitation à l’augmentation et à l’écoulement des productions locales.

Ainsi, le CPA, dont l’une des missions premières consiste à formuler des propositions d’actions sur des secteurs d’avenir de la relation entre la France et l’Afrique (entrepreneuriat, innovation, développement durable…), s’est rapidement engagé dans la préparation du One Planet Summit pour la biodiversité en lien avec l’Afrique. Au sujet de l’agriculture, le CPA est partenaire de la coalition IAM qui s’inscrit dans le projet « Grande muraille verte », dont l’objectif est la création de 10 millions d’emplois et le blocage de 250 millions de tonnes de carbone en restaurant 100 millions d’hectares d’ici 2030 : un projet de développement économique et écologique novateur et d’envergure.

La préservation de la biodiversité, l’agriculture durable ainsi que les engagements en faveur du climat sont au cœur des priorités du Conseil Présidentiel pour l’Afrique. Ainsi, en rapprochant des acteurs issus du continent africain et de France dans des dynamiques de construction, le CPA impulse effectivement une dynamique de coopération agricole renforcée avec le continent.

L’engagement du CPA en faveur d’une modernisation des systèmes agricoles africains à travers la coopération Afrique-France est antérieure à la crise sanitaire. En effet, nous avons lancé dès 2018 l’Initiative Agroécologie Sahel, qui a pour objectif principal de fédérer un écosystème pour soutenir la création de filières agro écologiques, en connectant les acteurs des filières agricoles à ceux de la recherche/formation, mais aussi aux influenceurs et aux distributeurs. L’objectif : encourager la digitalisation du foncier, pérenniser les emplois, valoriser le travail des producteurs et PME en les amenant à diversifier leurs débouchés nationaux et internationaux, et ainsi permettre la consolidation et la création de filières durables.

 »Le développement de l’entrepreneuriat de la diaspora est donc un enjeu majeur. »

Wilfrid Lauriano do Rego

Vous avez démarré depuis 6 mois maintenant, un tour de France à la rencontre de la Diaspora africaine, ce que vous avez appelé ‘’ Les débats du CPA’’ Vous avez volontairement choisi d’axer les discussions avec cette communauté, autour de l’entrepreunariat. Pourquoi ce choix ?

La thématique de l’entrepreneuriat représente un enjeu fondamental. C’est un levier privilégié d’insertion dans le monde du travail et un levier d’inclusion économique. La France compte 5 millions d’entrepreneurs pour environ 25 millions de salariés. 813 000 entreprises se sont créées en 2019, soit une progression de 25% par rapport à 2017 ! Le monde du travail connaît des bouleversements, sous l’effet de la numérisation, de l’aspiration à plus d’autonomie, et du fait de la crise de la Covid-19. Le développement de l’entrepreneuriat est donc un enjeu majeur, car il peut être une réponse à cette crise. L’envie d’entreprendre est très affirmée chez les diasporas africaines. Pour certains entrepreneurs des diasporas présents dans les quartiers populaires, désertées par les grandes entreprises traditionnellement pourvoyeuses d’emploi salarié, c’est une opportunité. L’entrepreneuriat en direction de l’Afrique est aussi un moyen de créer des passerelles entre l’Afrique et la France, de renforcer « les solidarités de fait » qui peuvent exister entre ces deux espaces. Au Conseil présidentiel pour l’Afrique, nous sommes convaincus que l’entrepreneuriat des diasporas peut impulser une nouvelle dynamique à notre relation avec le Continent et représente un vecteur de transformation profonde. Il est doublement vertueux, doublement créateur de valeur – en France et en Afrique.

 »La refondation des relations entre la France et l’Afrique serait l’œuvre des nouvelles générations.  »

Wilfrid Lauriano do Rego

Il était donc naturel que nous nous en saisissions. A travers « le Tour de France de l’entrepreneuriat des diasporas », qui a commencé à Bordeaux le 26 septembre, qui s’est poursuivi à Lyon le 23 octobre et à Marseille le 9 novembre, nous avons voulu donner la parole à ces entrepreneurs de la diaspora et aux acteurs de terrain. Notre préoccupation était double : comprendre les obstacles auxquels ils peuvent être confrontés (en termes de financement, d’accompagnement, de mentorat, d’accès à l’information, etc.), et identifier les solutions qui peuvent être apportées. Ces solutions seront présentées lors de la dernière, prévue à Paris le 5 février, et à laquelle participeront les entrepreneurs et tous les partenaires du Tour de France, à l’instar de BPI, de l’AFD ou encore de Trace TV.

Cette année sera celle du bilan présidentiel, sur la politique africaine de la France. Un sujet qui continue de passionner les observateurs des relations franco-africaines, à votre avis, Emmanuel Macron continue de croire en les promesses du discours de Ouagadougou ?

Plus que jamais ! Pour s’en convaincre, il suffit de se référer à l’interview accordée par le président Macron à l’hebdomadaire Jeune Afrique. Le président y a redit sa conviction que la refondation des relations entre la France et l’Afrique serait l’œuvre des nouvelles générations. Il y a défendu une nouvelle approche, fondée sur la centralité du rôle des diasporas – érigées en avant-gardes de ce nouveau partenariat -, débarrassée des pesanteurs du passé, en phase avec son temps, et tournée vers l’avenir. Ce nouveau partenariat doit aussi avoir une dimension économique, et les diasporas doivent être regardées comme des acteurs du développement économique. C’est exactement le propos que le président avait tenu à Ouagadougou. Emmanuel Macron avait également évoqué les enjeux du changement climatique, auxquels l’initiative de la coalition IAM répond, les thématiques de la santé, de l’innovation, de la jeunesse, mais aussi du sport. Ce qui me semble fondamental dans le mouvement actuel des relations Afrique-France, c’est l’exigence d’un partenariat équilibré, d’égal à égal. Je crois que, si l’on ne comprend pas cette dimension, très puissante, on passe à côté de l’essentiel. Notre rôle consiste à insister sans relâche sur cet aspect. Afrique et France, France et Afrique, nos destins sont liés ! Nous vivons dans un monde où les interdépendances sont de plus en plus fortes et où les diasporas sont véritablement des traits d’union, des passerelles. Il faut les écouter, faire remonter ce qu’elles ont à dire : c’est précisément une des missions assignées au CPA. C’est cette écoute qui a justifié la réforme du Franc CFA, actée fin 2019. C’est aussi cette écoute de la société civile qui a amené le président Macron à initier le chantier de la restitution des œuvres d’art à des pays comme le Bénin, le Sénégal, Madagascar, et qui préside aussi à une nouvelle approche des questions mémorielles avec l’Algérie. Cette idée de partenariat aux côtés de l’Afrique et en appui de l’Afrique a aussi inspiré les nombreuses initiatives qui ont été décidées dans le cadre de la riposte à la crise du Covid-19, qui a durement frappé l’Afrique. La France a appuyé de manière décisive les demandes formulées par le quartet de l’Union africaine relatives à un moratoire sur les intérêts de la dette des pays pauvres, afin qu’ils puissent consacrer plus de moyens à la riposte sanitaire et économique. Elle a orchestré la mobilisation internationale au profit de l’initiative Covax, qui vise à mettre à disposition des pays africains des centaines de millions de doses de vaccins, en partant du principe que ce vaccin ne devait pas être l’apanage des plus riches, mais un bien public mondial. La France, à travers l’AFD notamment, s’est également investie dans l’appui à la relance du secteur privé africain. Le Sommet « Finance en Commun », organisé à Paris en novembre 2020, à l’initiative de la France, a acté la mobilisation de 4 milliards de dollars pour une relance inclusive du secteur privé en Afrique d’ici fin 2021. La France accueillera en mai prochain un sommet sur le financement du développement des pays de la zone franc. Enfin, le sommet Afrique – France de Montpellier, en juillet, illustrera cette nouvelle approche issue du discours de Ouagadougou. Il mettra en avant des acteurs économiques et des figures de la société civile, incarnant le renouvellement générationnel, et s’intéressera aux enjeux du numérique et du secteur privé.

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